Le destin miraculeux d'Edgar Mint
Révélé il y a quelques années par un recueil de onze nouvelles regroupées sous le titre Lâchons les chiens (10/18 n° 3227) mettant en scène des bouts de vie dans les coins reculés de l’Utah et de l’Arizona, Brady Udall, jeune écrivain américain par ailleurs professeur de littérature dans une université du Middle West, nous revient avec un roman au titre séduisant et prometteur : Le destin miraculeux d’Edgar Mint.
Un destin particulièrement chaotique pour ce jeune Apache, rejeton d’une mère qui a sombré dans l’alcoolisme et la déchéance et d’un père blanc désireux de devenir un véritable cow-boy et qui s’enfuit à l’annonce de la grossesse de sa compagne. Un destin qui faillit s’arrêter le jour où le facteur lui roula sur la tête et le laissa pour mort. Mais c’était sans compter sur le talent d’un jeune médecin, Barry, aux méthodes étranges et néanmoins efficaces qui parvient à le faire sortir du coma et lui redonner la plupart de ses facultés et possibilités, hormis celle d’écrire manuellement. Edgar va d’abord passer ses premières années à Sainte Divine, hôpital qui tient de la cour des miracles. Il s’y lie pourtant d’amitié avec Art, un vieil homme gueulard et solitaire suite à la disparition de sa femme et ses deux enfants. La remise sur pied du petit Edgar l’amène à quitter son cocon hospitalier et rejoindre Willie Sherman une sorte de collège où se mêlent orphelins et déshérités de toutes sortes. Il y fait le dur apprentissage de la vie, en proie aux coups et railleries de ses camarades. Acceptant d’être baptisé et de se convertir à la religion mormone, Edgar part pour Richland au sein d’une famille d’adoption anéantie par la mort d’un jeune enfant qu’il quittera quelques années plus tard pour affronter de manière inattendue son destin.
"J'ai l'impression que ce monde est trop dangereux pour toi" voilà une phrase dite à Edgar qui me semble résumer tout le livre. Edgar est un personnage, émouvant et terriblement attachant, qu'on peut comparer à Oliver Twist de Mister Dickens, dont les aventures m'ont tenu en haleine pendant plus de 500 pages.
La vie d'Edgar est un miracle, oui, je pense que c'est le mot juste, à tel point que celui-ci se croit investi d'une mission qu'il va mettre des années à accomplir. Bien que sa vie n'est pas un long fleuve tranquille, il persévère. Il a tout le long de son périple pour confidente une vieille machine à écrire, ainsi que la malle remplie de feuilles qu'il a déjà tapées.
Brady Udall est doté d'un talent incroyable pour la mise en scène de son histoire avec notamment une multiplication de détails et d’analyses des sentiments et des évolutions d’Edgar.
Avec cette fresque à la fois tragique, absurde, hilarante, et émouvante, il pose un regard fraternel sur des personnages cabossés par la vie, grands exclus du fameux "rêve américain".
On se laisse transporter par ce roman profond et incomparable jusqu’à une apothéose finale inattendue et plus qu’émouvante.
S'il ne fallait avoir lu qu'un seul roman américain, c'est bien celui-là, et je pense que karine ne dira pas le contraire !