L'homme aux lèvres de saphir
Quatrième de couverture
Paris, 1870. Une série de meurtres sauvages semble obéir à une logique implacable et mystérieuse qui stupéfie la police, fort dépourvue face à ces crimes d'un genre nouveau. Le meurtrier, lui, se veut " artiste " : il fait de la poésie concrète, il rend hommage à celui qu'il considère comme le plus grand écrivain du XIXe siècle, Isidore Ducasse, comte de Lautréamont, dont il prétend promouvoir le génie méconnu. Dans le labyrinthe d'une ville grouillante de vie et de misère, entre l'espoir de lendemains meilleurs et la violence d'un régime à bout de souffle, un ouvrier révolutionnaire, un inspecteur de la sûreté, et deux femmes que la vie n'a pas épargnées vont croiser la trajectoire démente de l'assassin. Nul ne sortira indemne de cette redoutable rencontre.
L'Homme aux Lèvres de Saphir est un roman noir "historique" puisqu'il nous plonge dans le Paris des années 1870. Mais paradoxalement c'est un roman incroyablement moderne sur le plan de l'écriture comme des thèmes abordés.
Le contexte, on le connaît si on s'intéresse un peu à l'histoire de France d'avant la Commune: crise sociale, ouvriers en révolte contre l'oppression et la bourgeoisie, policiers à la solde du régime impérial, plus prompts à écraser les révoltes qu'à faire leur travail d'investigation etc...Mais tout cela, au fond, ne pourrait on pas le transposer à n'importe quelle époque, y compris la notre, ce début de XXIème siècle ultra libérale, à tendance inhumaine où l'asservissement s'est transformé mais reste d'actualité...enfin c'est un tout autre débat.
Pour en revenir à ce polar, il soulève un questionnement : la violence de certaines œuvres d'art peuvent-elles amener au passage à l'acte. C'est un questionnement quotidien face à la télévision, aux jeux vidéo et à certains films. Hervé Le Corre nous donne à découvrir Isidore Ducasse alias Lautréamont et l'un de ses amis de rencontre qui l'admire et veut aller plus loin que son maître, rendre réel « Les chants de Maldoror ».
Le criminel pourchassé est d'ailleurs dans le roman le symbole du passage entre un monde humain et un monde de machines, auxquelles plus rien ne peut s'opposer (il s'émerveille devant les ravages des armes à feu et trouve dans la guerre, un nouveau terrain de jeu possible).
Les révoltes d'ouvriers dans les rues de Paris sont écrasées aussi sûrement que le meurtrier fait exploser la tête de ses victimes avec un pistolet. C'est irréversible, irrémédiable.
Pour vaincre ou même ne pas être vaincu, les protagonistes n'auront pas le choix, il faudra rentrer dans la même logique : opposer à la machine d'autres machines, opposer à la brutalité encore plus de brutalité.
La plume d'Hervé Le Corre nous livre une écriture riche qui sait s'adapter parfaitement au vocabulaire de l'époque, cet argot oublié mais tellement jouissif .
Le roman se dévore même si la fin, selon moi un peu bâclée, nous laisse insatisfait. Néanmoins ce livre original reste un polar historique et littéraire de grande qualité qui mérite largement le détour...